Analyse détaillée
Pour élaborer son mémoire de Master, qui fut primé en 2004, un élève de l'Ecole supérieure de commerce de Toulouse avait conçu un projet d'entreprise basé sur un système original permettant aux étrangers de France de faciliter les transferts de fonds vers leur pays d'origine.
A la demande des responsables de la direction de la stratégie et du marketing de la Société Générale, l'étudiant présenta son concept à la banque.
C'est là que les choses se sont gâtées: Non seulement la banque n'a pas donné suite mais, à quelque temps de là, le jeune innovateur a eu la mauvaise surprise de reconnaître la mise en œuvre de son idée à travers le service "Votre banque ici et là-bas" que la SG a lancé en 2007.
La banque avait intégré, dans son offre de services aux étrangers, deux éléments innovants du concept de l'étudiant: La création d'un 'double compte' et celle d'agences dédiées, (Ce fait avéré a été relevé par la Cour de cassation).
La Société Générale a pu étendre ses activités, grâce à l'usage non autorisé du concept de l'auteur, quand au concepteur, lui, il n'a pu tirer aucun profit du produit de ses recherches dont l'intérêt économique était réel et qu'il ne pouvait pas valoriser.
En finale, la Société Générale a été condamnée en janvier 2014 par la cour d'appel de Toulouse pour concurrence déloyale et parasitaire.
Elle a contesté la décision mais cette dernière vient d'être confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 31 mars 2015. L'arrêt définitif est consultable ici
Il aura donc fallu à l'ancien étudiant huit ans pour obtenir gain de cause, et il ne va toucher que 80 000 euros de dommages et intérêts ainsi que 3000 euros d'indemnités.
C'est mieux que rien, mais n'est pas proportionnel aux profits que l'exploitation du concept en cause rapporte à la banque.
Cette jurisprudence est importante, surtout pour ceux qui se disent inventeurs, et ceci à plusieurs titres.
D'abord elle démontre qu'un concept est bel et bien une ressource représentant une valeur économique certaine, et que s'en emparer en l'exploitant au détriment d'autrui est tout aussi condamnable que copier un produit ayant fait l'objet d'une demande de protection au titre de la Propriété Industrielle.
Ensuite elle nous rappelle clairement que les droits de Propriété Intellectuelle (Droits d'auteur), sont conférés aux innovateurs sans aucune formalité, d'une part, et que lesdits droits ne sont pas limités aux créations artistiques, ce qui est une idée reçue encore trop répandue
Enfin elle montre que le préjudice de parasitisme est réel même si la victime n'a pas créé d'entreprise alors que de nombreux juges ont considéré qu'on ne peut pas perdre de chiffre d'affaires quand on n'a pas créé d'entreprise.
Dans le cas présent, le tribunal a jugé que le fait d'avoir été copié avait privé l'étudiant de tout espoir de pouvoir monter sa propre affaire à partir d'une idée qui aurait dû rester inédite entre ses mains.
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Devant ce type de jugement, l'on ne peut que rester perplexe devant le mensonge éhonté que propage sans vergogne l'INPI, en déclarant que "seul le brevet" protègerait une innovation non artistique.
Le concept bancaire dont il s'agit ici constitue bien une innovation technique, dans les milieux économiques et financiers, et non pas une œuvre d'art, "littéraire et artistique" stricto sensu.
Les magistrats, cette fois, ne se sont pas "pris les pieds dans les tapis", comme on l'a souvent vu faire à des inventeurs, et même à leus avocats, ce qui est plus grave.
Je le dis souvent: "Force doit rester à la loi", mais voilà, encore faut il la connaître et être de bonne foi, deux critères qui ne sont pas si faciles à réunir de nos jours.
DF